Bonjour Jeanne, pourriez-vous vous présenter brièvement à nos lecteurs ?
J’ai 41 ans. Avec mon conjoint nous avons deux enfants en plein tonus du jeune âge (2 et 5 ans au début de ma maladie). Je suis en CDI, pour un métier de conseillère agricole que j’affectionne particulièrement. Je n’ai pas trop d’habitudes de vie considérées à risque par les médecins.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours et les moments clés de votre histoire ?
En février 2023, j’ai senti une petite boule au sein gauche en prenant ma douche. Mettant cela sur le compte de la remise en place du corps après grossesse et n’ayant pas d’antécédent, j’ai choisi de ne pas en parler à mon conjoint qui s’est lui-même aperçu de cette grosseur dans la semaine qui a suivi. Mon médecin traitant m’a clairement sauvé la vie en m’obligeant à décaler mes rendez-vous et à ne pas sortir du cabinet de radiologie de Fontenay-le-Comte, tant que je n’avais pas de rendez-vous dans la semaine. Le cabinet de radiologie m’a pris tout de suite. Et me voilà poursuivant ma journée de travail avec un rendez-vous fixé pour une biopsie car c’était pratiquement certain que le nodule était une tumeur. Nous étions embarqués dans la valse des examens médicaux…. La douche froide et toujours l’espoir que ce n’était rien de méchant. La biopsie puis l’IRM ont très vite posé, de manière claire, le diagnostic. Et voilà, en un mois la vie et le statut bascule : j’ai un cancer. Mais le radiologue et mon médecin traitant ont été hypers pédagogues laissant le soin au chirurgien et l’oncologue de dire plus les détails.
Le 20 avril, c’est le TEPScan puis la pose de la chambre pour la chimio. Et aussi l’arrêt de travail qui tombe alors que c’est une période clé dans mon métier…. On n’a qu’une santé donc priorité, mais c’est chamboulant.
Début mai 2023, nous avons le premier rendez-vous avec l’oncologue. Il nous parle de cancer agressif (euh je savais pas qu’il y en avait des gentils) et qu’il ne faut pas perdre de temps. Il m’annonce tout heureux c’est un cancer triple négatif et il n’y a pas de métastase…. (Mais docteur on parle juste de début de cancer les métastases c’est pas déjà ? Si, bon ok ! ). Il nous présente le protocole en précisant que la réussite était pour 50% médicale et pour 50% de ma manière de vivre la maladie. Il a aussi précisé qu’il y avait 50% de chance que la chimio fonctionne. Heureusement, à chaque étape clé, mon conjoint était avec moi. Nous n’avons pas du tout retenu les mêmes informations. Je pense que mon cerveau, pour se protéger, a trié les informations pour les recevoir au fur et à mesure. De mai à octobre, j’ai eu 16 cures de chimios et de l’immunothérapie. Mes cheveux ont tenu le coup contre tout pronostic, jusqu’à mi-septembre. Le rasage de mes cheveux a été une étape importante vécue avec mes enfants, mon conjoint et une cousine qui a proposé aux enfants de mettre mes « cheveux plein de cancer » à la poubelle. Puis en novembre et décembre, j’ai eu deux mastectomies partielles. De janvier à juillet, j’ai eu neuf nouvelles injections d’immunothérapie. Les rayons ont été en février et mars. Le 8 juillet 2024, mon site implantable a été retiré. Le bout du tunnel arrivait !
En septembre 2023, l’oncogénéticienne m’annonce que je suis porteuse d’une défaillance génétique PALB2. C’est plutôt une bonne nouvelle car pour moi cela donne un début d’explication de pourquoi j’ai eu ce cancer. Cela a permis aussi d’alerter mes proches pour qu’ils se fassent dépister en conséquence et, le cas échéant, avoir un suivi plus précis.
Tout au long de mon traitement, j’ai continué au maximum à monter à cheval. J’ai découvert l’équisophrologie, le TREC. Les balades à pied avec des cousines et des amies ont été salvatrices. A la maison, nous avons mis un point d’honneur que notre vie ne se résume pas qu’au cancer. Les enfants ont pu venir à l’hôpital assister à une chimiothérapie. J’ai été suivie par des magnétiseurs et énergéticiens.
Quel est le lien qui vous unit à la Ligue contre le cancer de Vendée ?
Dès le premier rendez-vous en avril chez le chirurgien, j’ai été aiguillée vers l’Espace de Rencontre et d’Infirmation de l’hôpital du Confluent. Je venais juste d’avoir la trame du protocole qui m’attendait. La personne a commencé à répondre à nos premières interrogations, nous donner de la documentation et nous parler des soins oncologiques de supports et de la Ligue. Nous avons découvert que l’argent donné à la Ligue ne servait pas uniquement qu’à la recherche. Habitant à Antigny (Vendée), j’ai eu les coordonnées des référents sur Fontenay-le-Comte qui m’ont aiguillé vers Barbara Vasseur pour m’inscrire et pouvoir bénéficier des accompagnements.
La Ligue propose aux personnes malades de cancer et leurs proches de bénéficier de soins oncologiques de supports ou d’activités bien-être. La palette est très large ! Cela peut être en individuel ou en collectif. J’ai fait le choix que, tant que je le pourrai je me déplacerai, mais presque toutes les prestations individuelles peuvent avoir lieu à domicile.
Mon premier contact grâce à la Ligue a été auprès de la socio-coiffeuse car quid de ma chevelure toute frisée avant les traitements ! Delphine Cartron m’a reçu dans son cabinet à Chantonnay. Ses conseils ont été très précieux pour me préparer psychologiquement. Avec mon conjoint, nous avons rapidement choisi des foulards car il n’existe pas de perruques bouclées et vis-à-vis des enfants on trouvait plus simple que Maman n’ait plus de cheveux tout court. Charlotte Michaud m’a prodigué des soins de socio-esthétique, toujours personnalisés, dans la Maison des associations à Fontenay. Grâce à la Ligue j’ai pu aussi avoir des cours d’Activités Physiques Adaptées à la salle de sports du Spot à Terval, animés par Emilien Sorin. Cela a été un réel exutoire. Notre progression est noté. On se met des objectifs. C’est hyper rassurant car Emilien est formé pour savoir selon les pathologies. Avec lui, zéro excuse et c’est tellement chouette de pouvoir faire une heure de sport même barbouillée par les chimios. Le dernier atelier en date que j’ai fait est la session d’ateliers d’accompagnement retour à l’emploi. 5 demi-journées avec 6 nouvelles copines de cancer. Cet atelier nous a permis de brosser nos droits pour le retour à l’emploi, les attitudes vis-à-vis des DRH et collègues, la gestion des émotions, la gestion de notre image. Encore de sublimes et précieux moments d’échanges et de rencontres permise par la Ligue.
Nous avons aussi testé les soins oncologiques de support pour les proches. Mon garçon a rencontré Virginie Braud Poitevin, pour un suivi psychologique. Son « docteur des émotions » comme il l’a baptisé a tellement fait pour nous aider à avancer sereinement en famille dans cette aventure.
Cette année, la Ligue nationale met l’accent sur la sororité. Si vous deviez adresser un message de reconnaissance ou de conseils à une personne qui vous a soutenue dans votre combat, que lui diriez-vous ?
Sincèrement c’est impossible pour moi de mettre en avant une personne. Ce ne serait absolument pas représentatif. J’ai vécu une année et demie incroyable et si bien entourée. Le cancer met le corps, l’esprit et l’entourage à rude épreuve. Chaque étape, tout mon entourage le vivait avec moi. J’ai tellement peur d’oublier du monde : Pierre, Emile, Nina, ma famille, et belle-famille, les amies rencontrées par la maladie, mes collègues et ma responsable qui a été si présente, les amis, les copines qui ont créé un groupe « Copines Jeanne » et on se retrouvait pour fêter les étapes ( Le restaurant la Musse à Bazoges-en-Pareds nous avaient même fait des burgers spécial sein), les amies si éloignées géographiquement mais si proches, les maîtresses, la périscolaire, les nounous, les profs et copains d’équitation, ma jument, ma chienne, les agriculteurs, le Collectif les Triplettes Roses et tous ceux qui ont donné pour la cause, l’entourage au quotidien, les soignants, les médecins, le laboratoire d’analyse, les infirmières, les taxis, l’équisophrologie, mes magnétiseurs ici et au-delà, mes étoiles qui ont veillé sur moi et mes proches.
Je n’aurai jamais assez de mercis à dire à tout le monde. Être aussi bien entourée m’a permis d’affronter sereinement les périodes difficiles de lutte et de reconstruction, même quand je devais les affronter seule.
Un mot pour conclure ?
Un conseil à donner à tous : Un truc bizarre dans votre corps n’attendez pas, consultez, dépistez vous. Cela ne doit pas faire peur. Au contraire c’est une chance de pouvoir engager le combat à temps. Le cancer ne procrastine pas, le cancer ne remet pas à demain pour se développer que l’on ai fini telle ou telle tâche. Donc faisons comme lui, ne perdons pas de temps !